|
|
.. |
Bkz (Olivier)
à propos de Daniel Darc par Olivier Bkz
Daniel Darc, je ne le connaissais
pas, ni ce qu’il faisait,
et je m’en suis toujours tapé puisque je
me fous un peu de tout.
Par contre il m’est arrivé de le croiser
et de ça je m’en
souviens, je veux dire, les gens sont
aussi importants pour les
interactions même involontaires qu’ils
ont dans nos vies. Alors
permettez-moi de vous parler de ma
petite vie ici, pour une fois.
J’l'ai croisé à trois ou quatre reprises
dans des soirées et dans
des squats, y a trois ans de ça quand je
venais d’arriver à Paris
et que je fréquentais encore ce genre
d’endroits..
Je m’en souviens parce que beaucoup de
personnes qui allaient
faire partis de mes amis ou de mes
connaissances un peu plus tard
le saluaient et revenaient toujours en
me disant « tu sais qui
c’est ? C’est Daniel Darc ! » et moi je
répondais « non, je m’en
bats les couilles ! » parce que je suis
comme un chien un peu, je
ne connais rien à rien.
Lors d’une soirée, ces mêmes gens qui le
saluaient se sont mis à
raconter de la merde sur lui pendant un
moment, à se foutre de sa
gueule, et j’entendais leurs trucs en me
disant que c’était
étrange d’aller saluer quelqu’un que
l’on méprise, mais que
voulez-vous, j’suis un chien je vous
l’ai dit, et y a un paquet
de trucs que je ne comprends pas. Et
puis ces gens, ces amis ces
connaissances, toutes ces personnes qui
feront plein d’hommages
cette semaine sur Facebook, bah vous
voulez que je vous dise
quoi, personne n’est parfait, et surtout
pas eux, cette bonne
société parisienne faite de bourgeois de
l’art qu’ont jamais eu à
lâcher un loyer et qui font artistes
pour occuper leurs vies
d’inutiles , et puis ces pauvres, ces
artistes fauchés, ces
fleurs de clochards qu’ont rien d’ autre
à dire hormis « je suis
un génie incompris » en rêvant de faire
parti des bourgeois. Et
ces putains de journalistes ou petites
personnes médiatiques au
QI d’huitre, et ces putes de soirées
attirées par tout ce qui pue
et qui fait semblant de briller, bref,
vous voyez de qui je veux
parler, ceux que l’on appelle la « bonne
société ».
.
Bref je me rappelle de lui assis par
terre à côté de moi à côté
des bouches de ces gens qui disaient le
mal, mais je ne me
rappelle pas du spectacle prétentieux
artistico-grotesque auquel
nous assistions, je me souviens
seulement de lui, c’est bizarre….
La dernière fois que je l’ai vu je
suivais mon agent (littéraire)
et les lardus parce que j’suis un peu
comme un chien, je suis les
gens que j’aime et je m’en fous un peu
de l’endroit où l’on va.
Ce soir d’été nous nous avions atterri
dans une salle de
spectacle mais une grande une belle,
avec plein d’argent. Les
spectateurs faisaient parti du gotha, du
vrai, des gens de la
mairie, des journalistes et écrivains
connus, parait-il, des
femmes habillées de dos-nu, ce genre
d’ambiance.
C’était une lecture de Daniel Darc avec
Christophe, une fille
très bonne comme le pianiste, très bon.
J’étais ivre ce soir là, à côté de moi
il y avait une femme en
jupe que je ne connaissais pas, et puis
devant nous installé, un
artiste maudit de l’underground, une
raclure humaine et avinée,
un briseur de femme prétentieux se
prenant pour un poète, et au
bout de cinq minutes de spectacle notre
golio s’est levé en
hurlant comme quoi c’était de la merde
et non de l’art véritable,
et il partit comme ça furieux et
titubant en insultant
l’assemblée. Comme je le comprends, ce
doit être douloureux
d’être confronté à l’art véritable
lorsqu’on est un imposteur. La
femme en jupe que je ne connaissais pas
me demanda de la
réveiller si elle s’endormait, parce
qu’à Paris c’est le truc,
faut jamais ressentir quoique ce soit
quand tu assistes à un
spectacle, ni danser, pour avoir l’air
cool. Alors bon, j’étais
ivre, j’écoutais Daniel Darc, je le
regardai faire les cent pas
sur scène avec sa démarche de quasimodo
et je fouraillai de ma
main droite sous la jupe de la femme,
pour la réveiller soit
disant.
Je ne sais pas pourquoi mon agent
(littéraire) et les lardus ont
voulu qu’on parte avant la fin, la femme
en jupe m’a demandé de
rester, il y aurait du champagne après,
mais moi j’ai suivi mon
agent parce que je suis un chien je
suis. Et puis je me sentais
en colère..
Nous avons bu un verre dans un bar après
avec mon agent
(littéraire) pendant que les lardus au
loin s’ébattaient.
J’étais en rage, je gueulais, cette
scène, cet argent, le piano
magnifique, la lecture incroyable de
Darc et Christophe, le texte
choisi, cette volonté ressentie, ce
travail….
J’étais en rage parce que je comparais à
nous, la scène qui se
prétend « underground », et je prenais
encore plus la mesure de
l’arnaque, de ces auteurs qui n’ont rien
à dire rien à partager,
de ces chanteurs peintres et autres
chantres à la con pas même
capables de lire de marcher dignement
passé 21h00 ou d’avoir la
moindre chose humaine et vraie à
partager, tous ces vieux enfants
rois passent leur temps à raconter de la
merde sur les autres en
soirée, « jouant » aux artistes comme
les vrais enfants jouent au
docteur. J’ai dit à mon agent que je
rêvai de me barrer d’ici, de
cette fosse septique, et de connaître
des gens comme Darc ou ce
Christophe, histoire de côtoyer de vrais
personnes qui vivent un
peu. J’ai compris qu’il fallait réussir
simplement pour ça, avoir
une meilleure vie et rencontrer des
personnes dans mon corps de
métier qui vaillent la peine de
seulement partager un verre. Mais
bref, nous sommes des chiens avec des
vies de chiens et des morts
de corniauds.
Alors je me suis passé ce titre, « la
taille de mon âme », et
j’ai dansé une valse dessus en hommage
avec mon chien.
Olivier Bkz, 4/04/2013
|
|
|
| |
|
|
|